Du
fait que les fourmis vivent aussi bien dans les déserts les plus arides que
dans les régions tropicales humides, on comprend que leurs habitations puissent
être très différents. En fait, sous les tropiques, certaines espèces de
fourmis n'ont pas d'habitation du tout. Nomades ou errantes, ces fourmis forment
des murs vivants d'ouvrières autour de la reine et des jeunes.
Fourmis
Charpentières

Dans
les pays froids, comme les forêts nordiques, un abri permanent est
nécessaire. Les fourmis charpentières, comme celles appartenant au genre
Camponotus, construisent leurs nids dans du bois : de leurs puissantes
mandibules elles creusent des galeries et expulsent la sciure au dehors.
Elles réussissent à creuser dans des arbres, et quelquefois aussi dans
les poutres ou charpentes des maisons. Des chambres sont aménagées dans
le bois et la colonie vit ainsi à l'abri. Certaines fourmis charpentières
ont
de grosses têtes qui servent de porte d'entrée : les ouvertures des
tunnels ont la même taille que les têtes des sentinelles et celles-ci bloquent
l'entrée, empêchant les ennemis de pénétrer. Quand les ouvrières reviennent
de l'extérieur avec de la nourriture, la sentinelle ne les laisse entrer
que si elles ont frappé de leurs antennes pour « donner le mot de
passe ».
Il
existe de nombreuses espèces de fourmis vivant dans les bois ou utilisant
le bois comme matériau de construction, mais elles sont différentes des
fourmis charpentières. Dans les forêts d'Europe des fourmis placent des
aiguilles de pins et des brindilles sur le haut de leur fourmilière de telle
sorte que les chambres supérieures et les tunnels soient réchauffés par
le soleil. Une autre espèce de fourmi transforme le bois pourri en une sorte
de carton pour en fabriquer des nids suspendus aux arbres.
Habitations
Fleuries
En
Amérique
du Sud, une espèce de fourmi construit des nids très curieux. Dans la
forêt équatoriale du bassin de l'Amazone, où le sol est toujours
humide, ces fourmis ramassent de la boue et la transportent en haut des
arbres. La boue est déposée sur une branche, chaque ouvrière
apportant une bouchée à la fois, jusqu'à ce qu'une grosse boule soit
constituée. Cette boule peut mesurer jusqu'à 20 centimètres de diamètre
et elle est percée de chambres et de tunnels. On pense que les fourmis
y portent et y plantent des graines de plantes. Rapidement les graines
germent, la boule se couvre de fleurs et les racines la consolident
fortement : même les violents orages équatoriaux ne réussissent pas
à emporter la boue. Ces plantes n'existent d'ailleurs que dans de
telles fourmilières, on ne les a jamais trouvées ailleurs !
Fourmis
Couturières
D'autres
fourmis des régions tropicales et de certaines parties de l'Asie, comme
celles du genre Œcophylla, vivent dans des habitations de
feuilles. Elles choisissent des feuilles convenables et en rapprochent
les bords avec leurs
mandibules, puis on assiste à un phénomène étonnant : un
autre groupe
d'ouvrières se saisit de jeunes larves qui sont capables de
filer de
la soie pour se faire un cocon. Les ouvrières, passent les
larves d'un bord
à l'autre des deux feuilles et en collent les bords avec de la
soie, afin
de les assembler, de les « coudre » en quelque sorte. C'est un
des rares
exemples d'animaux utilisant un outil.
En
Chine, les paysans récoltent les nids de ces fourmis et les
suspendent à
leurs arbres fruitiers : comme ce sont des fourmis très
combattives, elles
écartent les insectes nuisibles.
Les fourmis entassent les détritus, autour des ouvertures de leur
fourmilière,
en forme de monticule pouvant atteindre un mètre de haut. Il
y a toujours sous terre des chambres servant de greniers à provisions, les nurseries, la chambre de la reine, et les pièces où les larves
tissent leur cocon
et se transforment en nymphe.
Les
fourmis sont très propres et soigneuses et elles sortent toujours cadavres du nid. Certaines vont même jusqu'à réunir leurs morts
en des
endroits précis, sortes de cimetières
Les
Fourmis du Genre Iridomyrmex
La
plupart des colonies de fourmis sont toujours prêtes à faire la guerre
aux voisines. La véritable domination que les fourmis du genre Iridomyrmex
ont établie sur les autres provient en partie de leur capacité à
repousser les autres espèces : ce sont des combattantes redoutables.
Certaines
espèces attaquent isolément ou sans précaution, se ruant aveuglément
sur leurs ennemis, mais les Iridomyrmex agissent en équipe. Elles attaquent
en masse et entourent un ennemi isolé dont les pattes et les antennes
sont rapidement amputées et la tête écrasée. Même contre des adversaires
de plus grande taille, comme les fourmis des bois, les Iridomyrmex
sont presque toujours victorieuses.
Fourmis
Guerrières
Les
fourmis guerrières des régions tropicales n'ont pas de demeure permanente.
Elles se groupent en armées immenses et partent en guerre, tuant
et dévorant tout animal vivant rencontré en chemin. Elles forment de
longues colonnes avec les soldats les plus forts en avant et sur les côtés,
au milieu les fourmis plus faibles. Au centre de l'armée se trouvent la
reine et les ouvrières portant les jeunes ; même les centaines d'œufs
et
de larves sont transportés : les fourmis guerrières aux longues pattes
portant
les nymphes sous elles.
Les
colonnes en marche d'Eciton, fourmis guerrières d'Amérique du Sud,
peuvent mesurer plus de 100 mètres de long et 30 centimètres de large. Les
soldats marchent côte à côte, leur corps se touchant, et une telle masse de
fourmis meurtrières peut compter des millions d'individus.
Certaines
fourmis sont omnivores, mangeant de tout, mais les fourmis guerrières sont
carnivores: elles ne mangent que de la viande. Aucun animal, se trouvant sur le
chemin de ces terribles destructeurs, n'est en sécurité. Grâce à leurs
mandibules énormes, mesurant jusqu'à la moitié de la taille de leur corps,
ces fourmis peuvent
tuer et dévorer toutes sortes de
petits animaux. Elles peuvent
même
venir à bout d'espèces plus grandes
comme des lapins ou des pythons, s'ils sont blessés ou pris dans
des pièges.
Les
fourmis guerrières ne laissent que les os ; même les rats et
les souris
ne sont pas à l'abri dans leurs demeures souterraines. Le mieux
que
l'on puisse dire de ces fourmis, c'est qu'au cours de leur
marche elles débarrassent
toute la zone traversée de ses rongeurs et insectes nuisibles.
Même
l'eau ne constitue pas pour elles un obstacle : arrivées à une
rivière,
elles se forment en grosses boules, s'agglutinent les unes aux autres,
la reine et les œufs au centre. Ces boules flottent et la
marche reprend
dès que la terre ferme est atteinte. Les petits ruisseaux sont
traversés
encore plus facilement : les éclaireurs font simplement un pont
de
leurs corps accrochés bout à bout.
Comme
les armées d'hommes, les armées de
fourmis ont leurs satellites. Des
espèces de guêpes et de Coléoptères
accompagnent les colonnes et participent au
partage des
victimes. Il y a également des soldats en arrière-garde. Des témoins ont
décrit le travail des
colonnes de soutien qui attaquent après que les soldats
d'avant-garde aient
écrasé un grand nombre d'adversaires.
Ces colonnes attaquent dans une direction tandis qu'en sens
inverse les soldats d'avant-garde transportent leur
butin de chair fraîche.
Quand ces fourmis arrêtent leur marche, elles se
groupent en une énorme boule vivante avec
une chambre au centre
pour la reine et les si précise qu'elles ménagent des tunnels entre
elles pour l'accès aux chambres intérieures.
Fourmis
Esclavagistes

Les
fourmis guerrières des Tropiques se déplacent sans cesse pour trouver leur
nourriture, les fourmis esclavagistes ont d'autres buts. Il existe
de nombreuses espèces de fourmis
esclavagistes, même dans nos
pays, comme la Sanguine deux centimètres l'Amazone.
Ces fourmis partent à de demi de long.
l'attaque
de fourmilières appartenant à
des espèces paisibles comme les Servi formica, forcent les entrées,
s'emparent
des nymphes qu'elles transportent dans leur propre demeure. Ces nymphes
étrangères sont élevées et, devenues adultes, feront toutes les corvées
dans la fourmilière de leurs maîtres.
Les
Amazones, ainsi appelées du nom d'une race de guerrières remarquables
qui combattirent les Grecs, sont répandues en Europe et en Amérique.
Ce sont probablement les fourmis esclavagistes les plus évoluées, on
peut même dire les plus déformées. Elles possèdent en effet de puissantes
mâchoires en forme de faucilles
; de telles armes peuvent trancher d'un seul coup la tête d'une autre
fourmi, mais, admirablement adaptée à la guerre, elles ne peuvent en
rien servir pour l'alimentation ou pour les travaux domestiques. De ce
fait les Amazones sont devenues des parasites, c'est-à-dire des animaux
qui dépendent d'autres pour leur service. Les amazones sont obligées
de capturer et de faire leurs esclaves d'autres fourmis car elles ne
peuvent prendre soin d'elles-mêmes, ni se nourrir.
Le
corps des Amazones est tellement déformé et transformé en vue de
la guerre qu'elles ne peuvent pas même élever leurs propres jeunes. Une
jeune reine Amazone doit, pour fonder une colonie, s'ouvrir de vive force
un chemin jusqu'à la chambre de la reine d'une espèce ordinaire. Arrivée
là, elle s'impose, groupe toutes les nymphes présentes et résiste aux
assauts des ouvrières. Elle finit à la longue et par la force par être
acceptée,
tue la reine de cette fourmilière et prend sa place.
Bien
entendu, après la mort de la première reine, plus aucune fourmi ordinaire
ne vient au monde ; les Amazones se multiplient et rapidement deviennent
plus nombreuses que les fourmis ordinaires : il devient nécessaire
de se procurer des esclaves. Les Amazones envoient des éclaireurs à
la recherche de nids d'autres fourmis et dès que l'un d'eux est signalé
elles
se forment en colonne et partent à l'attaque. Les fourmis attaquées se
défendent courageusement mais sont rapidement décimées et écrasées par
les Amazones plus grandes et très agiles. Le combat terminé, de nombreux
cadavres jonchent le terrain et les Amazones triomphantes retournent à
leur fourmilière en rapportant un grand nombre de jeunes et de nymphes de
fourmis ordinaires ; ces prisonnières donneront des esclaves qui prendront
soin de leurs maîtres. Quand une jeune reine Amazone quitte
la fourmilière pour fonder une nouvelle colonie, le cycle recommence.
Fourmis
Agricoles
Nulle
part dans le règne animal il n'existe d'agriculteurs comparables aux
fourmis. Celles-ci récoltent des graines, cultivent des champignons, traient
des « vaches » miniatures : les pucerons, dont elles extraient un liquide
sucré. Grâce à leur instinct social les fourmis ont appris des
secrets de
l'agriculture qui dépassent l'entendement de tout autre animal.
Fourmis
Moissoneuses


Les
fourmis moissonneuses des genres Messor et Pogonomyrex existent dans
de nombreuses régions du monde. On voit fréquemment, serpentant dans
les prés, de minuscules routes lisses ressemblant à des traces de routes.
Ces
petites routes convergent vers les entrées d'un tumulus de fourmis moissonneuses. Les ouvrières collectent des graines et des
semences d'herbes
et les transportent en suivant les routes, puis, à pas précipités, les
descendent par les tunnels jusque dans les chambres à provisions. Là, elles
confient les graines à un autre groupe d'ouvrières connues sous le nom
de meunières. Les meunières, après avoir débarrassé les graines de leurs
enveloppes, les mâchent, les mélangent à leur salive et en font une nourriture
collante et sucrée.
Autour du
tumulus des fourmis moissonneuses on voit souvent des
touffes épaisses d'herbe. On pensait autrefois que c'était les
fourmis qui semaient
elles-mêmes leurs graines pour s'assurer une source de nourriture
commode, mais il est plus vraisemblable que ces graines sont simplement
perdues par les fourmis retournant à leur fourmilière.
Coupeuses
de feuilles

Plus évoluées que les moissonneuses, voici les coupeuses de feuilles
des pays tropicaux, comme les fourmis du genre Atta
Amérique centrale et méridionale. Ces fourmis grouillent sur les
arbres et sur toutes les branches Le genre Atta est connu sous le nom de
fourmis parasols parce que chaque individu porte une feuille au-dessus de
lui, comme un parasol. Ces feuilles sont transportées dans les nids
souterrains, découpées en petits morceaux par d'autres ouvrières et mâchées,
tout comme les fourmis moissonneuses mâchent leurs graines. Mais les Atta,
qu'on appelle aussi fourmis champignonnistes, ne mangent pas les feuilles
; elles s'en servent pour faire pousser une espèce particulière de
champignon. Quand les champignons se .développent les fourmis se
nourrissent de leurs fructifications.
Les Atta ensemencent réellement leurs jardins pour
être sûres que seule poussera l'espèce de champignons désirée. Non seulement les adultes
se nourrissent de ces champignons, mais encore ils placent leurs larves
au milieu des petits jardins pour qu'elles soient sans cesse entourées
de nourriture.
Quel
que soit le temps, quelle que soit la saison, elles peuvent toujours
faire pousser des champignons dans leurs nids souterrains. Les coupeuses
de feuilles se reproduisent en grand nombre et une seule fourmilière
peut couvrir plusieurs centaines de mètres carrés. Les trous d'entrée
dans le monticule peuvent être larges de 7 à 10 centimètres et les
tunnels peuvent descendre jusqu'à plus de 7 mètres. Les jardins
souterrains où poussent les champignons
sont immenses : certaines chambres peuvent mesurer jusqu'à i mètre
de long et 30 centimètres de large.
Fourmis
Pastorales

De
nombreuses espèces de fourmis élèvent des pucerons. Les pucerons, petits
insectes verts ou noirs, se rassemblant sur les plantes, ont de longues trompes
qui, perçant les tissus de l'écorce, leur permettent de se nourrir de
sève. Les fourmis sont friandes du nectar que les pucerons obtiennent de
la sève. Quand les fourmis les caressent de leurs antennes ils émettent
à
l'extrémité de l'abdomen une goutte de nectar que les fourmis lèchent
avidement.
Les fourmis protègent leurs pucerons, construisant parfois autour
d'eux un mur de feuilles ou de boue quand ils sont agglutinés sur des
plantes. Si d'autres insectes amateurs de chair de pucerons s'approchent
de
ceux-ci, les fourmis les repoussent en les attaquant avec leurs
mandibules et
leur poison.
Certaines
espèces de fourmis, du genre Lasius, sont de remarquables éleveurs
de pucerons. Elles vivent sous terre, au milieu des racines de graminées,
et leurs pucerons ne voient jamais le soleil. Elles prennent soin
des œufs de pucerons qui, une fois adultes, sucent la sève des
racines. Ces
fourmis dépendent en grande partie pour leur nourriture du jus sucré
des pucerons dont plusieurs générations vivent avec les mêmes maîtres.
Fourmis
Bonbonnes
Les
pucerons ne constituent pas la seule source de nectar pour les fourmis
qui recherchent également les jus sucrés des cactus des régions désertiques
et aussi ceux d'autres plantes. Ainsi les galles de chêne sont très
souvent visitées par les fourmis lorsqu'elles sont couvertes de petites
gouttes
transparentes de nectar. Ces galles sont déterminées par la piqûre d'un
petit Hyménoptère, le Cynips. La femelle de cet insecte perce de sa tarière
l'écorce d'une petite branche d'un chêne et pond un œuf à l'intérieur.
Il
se produit un renflement en boule, à l'intérieur duquel, rongeant les tissus
végétaux, se développe une larve tandis que la galle continue à augmenter
de volume. De la sève sourd de cette galle et les fourmis boivent ce
liquide sucré.
Dans
le sud-ouest des États-Unis et au Mexique une espèce de fourmi du
genre Myrmecocystus utilise ses propres ouvrières comme récipients pour
stocker le nectar. Tout d'abord des ouvrières vont au loin remplir leur
jabot de nectar puis reviennent à leur nid ; là, dans des caves spéciales,
d'autres
ouvrières s'accrochent au plafond et se laissent gaver de nectar au
point que leur abdomen se distend, gonfle de façon prodigieuse et devient
sphérique. Ces fourmis bonbonnes, ainsi gavées, restent accrochées au
plafond, en réserve, pour toute leur vie. De temps à autre, caressées
par
les antennes d'une ouvrière de la fourmilière, elles lui régurgiteront
quelques
gouttes de nectar.
